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Clé sous la porte aux MésangesUne taxe de 35.000 euros ... Un dégât collatéral pour le moins surprenant de la lutte contre la prostitution à Bruxelles-Ville
En pleine période électorale, la Ville de Bruxelles décidait de casser la prostitution dans le quartier Alhambra, entre les boulevards d'Anvers et Emile Jacqmain.
Pour ce faire, fin 2005, elle leva notamment une nouvelle taxe (2.500 euros par chambre et par ans) frappant les 'maisons de rendez-vous' dont la fréquentation à toutes les heures par les prostituées et leurs clients rendait la vie impossible aux riverains.
Quels sont les effets de cette mesure, après plus d'un an de mise en application? Début janvier 2007, sur les 11 établissements recensés, un seul a fermé ses portes, rue Van Gaver. Mais on peut en ajouter un second aujourd'hui : 'la Villa des Mésanges', un établissement situé à Laeken (soit à plusieurs kilomètres à vol d'oiseau de l'Alhambra). Victime indirecte de cette taxe, elle se voit taxée par la commune qui lui réclame 35.000 euros!
Que s'est-il passé? La Villa des Mésanges, rue des Palais d'Outre-Ponts à Laeken, a été assimilée à ces établissements ou officient les filles qui racolent en rue. Pourtant, clamant ses exploitants, les époux Tap, 'à la Villa des Mésanges, il n'a jamais été question de prostitution'. En fait, dit la rumeur, la demeure fut construite en 1897 par Léopold II. Elle ajoute que le roi y recevait la sulfureuse Blanche Delacroix, baronne de Vaughan. Elle précise même qu'il existait un souterrain reliant le demaine royal tout proche à la villa.
C'est en 1964 que l'établissement devint un 'hôtel de jour'. Et depuis plus de 22 ans, les époux Trap le gèrent. Dans la discrétion qui convient, ils louent en journée (pour 35 euros, dernier tarif connu) et pour deux heures les chambres. S'y rendaient jusqu'à cette semaine couples illégitimes, amours cachés et escapades sur le temps de midi. La plupart des clients étaient d'ailleurs des 'fidèles et des habitués'. Rien à voir avec l'exploitation honteuse des êtres humains, comme à l'Alhambra ou à l'avenue Louise. Pas l'ombre du proxénétisme dans cette petite affaire commerciale.
Mais aujourd'hui, la mort dans l'âme, les époux Trap mettent la clé sous le paillason. Pour 2005, ils avaient déja reçu une notification d'imposition de sept chambres. Ils avaient alors demandé l'aide du bourgmestre Freddy Thielemans. Celui-ci était effectivement intervenu en limitant d'autorité la taxe à trois des sept chambres. Pour 2006, les époux ont à nouveaux déclaré 3 chambres et non 7. Mal leur en prit: le service de taxation de la Ville ne l'a pas entendu de la même oreille. Il vient de faire rectifier d'autorité la déclaration (sept fois 2.500 euros) et réclame 35.000 euros. Soit 17.500 euros, multiplié par deux ... pour fausse déclaration.
'Nous attendons l'extrait de rôle. Dans ces conditions, nous arrêtons. C'est absurde; Et profondément injuste. Les recettes communales n'ont plus rien à attendre de nous.'
Une taxe 'morale' mal ficelée
En créant cette taxe sur les hôtels de passe, la Ville de Bruxelles a pensé de bonne foi qu'elle disposait d'une arme efficace pour contrôler la prostitution. La mesure paraît radicale: on est loin des 10 % d'impôt communal sur les nuitées dans les hôtels, le tarif généralement pratiqué en Région bruxelloise.
Hélas, la manoeuvre ne donne pas les résultats escomptés (140.000 euros attendus). Par ailleurs, un recours au Conseil d'Etat a été déposé contre cette taxe par un hôtelier de la rue des commerçants.
La Villa des Mésanges, victime collatérale? Sentiment d'injustice et texte mal ficelé. Car peut-on reprocher au service de la taxation de réclamer son dû?
Si l'on en corit les époux Trap, l'attitude du bourgmestre Freddy Thielemans serait équivoque: 'Nous avons tout fait pour rencontrer le mayeur. Nous sommes mêmes allés le voir dans son club de motos Harley Davidson. Il s'est évidemment rendu compte du caractère injuste de la mesure et il a lui-même promis de modifier le règlement. C'est lui qui nous a suggéré de ne déclarer que trois chambres.'
Résultat? Un beau gâchis ...
Décidément, la taxation est une arme redoutable. Après la taxe 'morale' sur les hôtels de passe, pourquoi pas une taxe communale tout aussi morale sur les Harley Davidson (35.000 euros par an?). Histoire d'empêcher le réchauffement de la planète.
© Le Soir 2007 / François Robert
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